Guillaume DES AUTELS  (1529-1581)
À sa Sainte
Le Préambule des innombrables
Repos de plus grand travail,
Lyon, Jean de Tournes et Guil. Gazeau, 1550.













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Épitre dédicatoire

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A   SA   SAINTE
L'AME céleste, laquelle ce Créateur admirable de l'Univers fit par grande similitude approcher de sa perfection plus que toutes les autres choses créées, étant empêchée en ce corps terrestre, s'efforce tous les jours de plus en plus à se développer de sa chair, pour par la contemplation de l'ouvrage du monde, venir de degré en degré à la parfaite connaissance de l'ouvrier. Ce qui certes est le principal but de son intention : & faut dire que du tout la nature est dépravée en celui qui se sent être sans tel désir. Or ne viennent tous par même chemin à cette connaissance : car les uns sentent les effets de la divinité gravés en une chose, les autres en autre, selon même ce à quoi ils sont par les supérieures puissances naturellement inclinés. Par quoi je suis maintenant contraint de confesser, que vous (Dame qui par votre indicible sainteté méritez le nom de Sainte) avez été cause, que mon Ame contemple mieux son facteur, que devant elle ne faisait. Car jasoit que par les autres choses elle ait toujours la considération de Dieu : si est-ce qu'en vous elle connaît pour soi, plus de vertus & grâces infuses, qu'en toutes les autres créatures. En admirant lesquelles vertus plus facilement elle comprend celui duquel elles sont venues : & ainsi par vous se parfait en la vraie connaissance du souverain bien. Pour quoi je rends grâces infinies à Dieu, qui si heureusement me fit naître, que je fusse destiné à servir vous, la plus parfaitement sainte des saintement parfaites : et que je le prie puisque jà pour vous il m'a fait en moi-même mourir, que ce soit avec telle félicité, que je trouve en vous (ce que je quiers) double vie immortelle. Ce sont les effets de la vraie amour céleste, que je désire être de vous en moi comme jà elle est de moi en vous : Amour ne dis-je pas terrestre de la chair & des corps, mais céleste des esprits & des âmes : qui est de l'homme à la femme, & de la femme à l'homme, aussi bien, ou mieux, qu'entre deux hommes, ou entre deux femmes. Ce que je prouverai plus amplement en mon Dialogue d'amour, inscrit Pylades, contre la contraire, fausse, & pernicieuse opinion. Pour donc vous montrer comment cette amour me consacre & dédie totalement à vous, j'ai recueilli certaines miennes petites compositions de ma première jeunesse, comme de quinze à vingt ans, pour vous les présenter. En quoi je connais aussi bien ma puérilité, que l'audacieux raillard & médisant qui en jasera : mais je veux bien que l'on connaisse par ceci, & par ce qu'on pourra de moi voir dorénavant, comment le jugement & le savoir croît avec l'âge : & pource aussi qu'à vous sont dus mes labeurs du temps passé & à venir, lesquels vous seront tous adressés l'un après l'autre. Au demeurant je n'ai seulement imité la façon d'écrire des Grecs, Latins & Italiens : ains je n'ai point rejeté les bonnes inventions de nos anciens Français : & ceux qui le font, me semblent mal illustrer notre langue. Cependant,
        Ce mien esprit qui en travail repose
        Sainte pour vous, & en repos travaille,
        En travaillant apprête plus grand' chose,
        En reposant, au moins, ceci vous baille.


TRAVAIL EN REPOS

[Gallica, N0079127_PDF_4_6]

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¶ l'ouvrier : le Créateur
¶ du tout : complè- tement












¶ facteur : Créateur
¶ devant : auparavant
¶ jasoit que : quoique
¶ si est-ce qu'en vous : pourtant c'est en vous que






















































En ligne le 15/03/05.