Marin  Le  Saulx 
 Le Préambule… 
Théanthropogamie
en forme de dialogue par sonnets chrétiens
 BnF Gallica, NUMM-71977 
Londres, Thomas Vautrolier,
1577
Pages limi­naires Sonnets 1 à 20 Sonnets 21 à 40 Sonnets 41 à 60 Sonnets 61 à 80 Sonnets 81 à 100
Sonnets 101 à 120 Sonnets 121 à 140 Sonnets 141 à 160 Sonnets 161 à 180 Sonnets 181 à 200 Sonnets 201 à 215
Sonnets 141 à 160
texte modernisé
141. Tout ce que la nature a de plus précieux…
143. Ainsi que le Soleil dardant de sa lumière…
145. S’il fait beau voir en terre un Olivier fertile…
147. Si quelqu’un peut nombrer de la mer orgueilleuse…
149. Non, non quand ce serait ce doux-divin Poète…
151. L’éternel Dieu régnant sur la voûte des cieux…
153. Jà déjà le Soleil le grand flambard du monde…
155. Tu sois le plus beau jour des beaux jours de l’année…
157. Quand mon époux vivait, une mort éternelle…
159. Je le confesse, hélas ! qu’elle était Hétienne…
142. Tout ce que ma Christine a de plus excellent…
144. Ainsi que des hauts cieux la Lune toute ronde…
146. S’il fait beau voir la Lune en son rond toute pleine…
148. Si quelqu’un peut cueillir en comptant un à un…
150. Non, non quand ce serait ce brave Tyrien…
152. L’éternel Dieu régnant sur la ronde machine…
154. Jà déjà le Soleil de sa blonde lumière…
156. Tu sois sans nuit, ô nuit, et pure, et nette, et blanche…
158. Quand je vivais au ciel d’une éternelle vie…
160. Je le confesse, hélas ! qu’ému de ton offense…
 
 
 
 
 
sonne  141 
sonne  142 

TOut ce que la nature a de plus précieux,
Par un divin secret en la fosse profonde
De son sein est caché, et n’apparaît au monde
Qu’un seul échantillon de ses biens gracieux.

Je confesserais bien que l’émail des hauts cieux,
Surpasse le plus beau de la terre féconde,
Mais ce qui est caché dessus sa voûte ronde,
Est plus, que le plus beau de ses feux radieux.

Il fait beau voir la terre et ses fleurs toutes pleines
Mais son or plus exquis est caché dans ses veines,
Ses jaspes, ses saphirs, et rubis reluisants.

La mer cache aussi bien sous ses ondes broueuses
Ses poissons, son corail, ses perles précieuses,
Comme Christ sous sa chair mille riches présents.

TOut ce que ma Christine a de plus excellent,
Est caché au dedans de son âme immortelle,
Et le ciel entourant la terre universelle,
N’a rien de plus exquis au sein étincelant.

Louange qui voudra son double œil ruisselant,
Ce cristal retaillé en forme d’une perle,
Ou bien l’or blondissant de sa perruque belle,
Ou l’ivoire du front, ou du pied sautelant :

Louange qui voudra ses lèvres corallines,
Ou de son sein poli les mamelles sucrines,
Et toutes les beautés que l’on voit au-dehors :

J’embrasserai toujours cette divine grâce,
Qui reluit en l’esprit de sa céleste face,
Qui peut ressusciter les hommes déjà morts.

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sonne  143 
sonne  144 

AInsi que le Soleil dardant de sa lumière
Les rayons éclairants, sur le large travers
De cette terre basse, éclaire à l’Univers,
Chassant par sa clarté la noire nuit arrière,

Puis réchauffant au sein de cette nourricière,
La semence jetée en mille lieux divers,
Fait germer fleurs et fruits, herbes et arbres verts,
Qu’il prodigue aux humains d’une main aumonière,

Ainsi Christ mon époux le Soleil de mon âme,
Éclairant mes esprits de sa divine flamme,
Chasse du vil péché la noire obscurité,

Puis réchauffant mon sein de sa chaleur divine,
Engendre mille fruits au fond de ma poitrine,
Sucrés du sucre doux de vie et vérité.

AInsi que des hauts cieux la Lune toute ronde
De son cercle éclairant la moitié des bas lieux,
Peint la voûte du ciel d’un azur précieux,
Et réjouit le feu, la terre, et l’air et l’onde,

Ainsi, ainsi Christine à la perruque blonde,
Qui la Lune obscurcit du flambeau de ses yeux,
Découvrant le vermeil de son teint gracieux,
Réjouit les humains de l’un et l’autre monde.

Ma Christine est ainsi que le clair d’un croissant,
Sur les astres du ciel toujours apparaissant :
Comme un grand feu flambant parmi des étincelles.

Ma Christine est ainsi qu’un lis entre les fleurs,
Et comme l’écarlate entre toutes couleurs,
Et comme une Marie au parmi des pucelles.

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sonne  145 
sonne  146 

S’Il fait beau voir en terre un Olivier fertile,
Ou le vert d’un Cyprès dans les nues des cieux
Élever peu à peu leur chef audacieux,
Pour voisiner du ciel cette voûte mobile,

Et de là ombrager un courant qui frétille
Sur le sable mouvant en mille et mille lieux,
S’il fait beau voir les lis, les œillets gracieux,
Se mêler en tortis d’une façon gentille :

S’il fait beau voir encore un vase d’or exquis,
Enrichi tout autour de balais et rubis,
De perles, de saphirs et d’opales vermeilles.

Si fait-il plus beau voir Christ mon époux loyal,
Chevauchant sur la nue en parement royal,
Pour de Christine voir les beautés nonpareilles.

S’Il fait beau voir la Lune en son rond toute pleine,
Lorsque la noire nuit cache le clair Soleil,
Tapissant terre, et mer, et ciel d’un beau vermeil,
Qui réjouit le ciel, et la mer, et la plaine :

S’il fait beau voir aussi l’étoile qui ramène
Du Soleil la clarté, d’un rayon nonpareil,
Appareiller au ciel un autre jour pareil
À celui qu’un croissant parmi le ciel promène.

S’il fait beau voir encor cent millions de roses,
Parmi les lis plus blancs entièrement décloses,
Embellir un printemps de cent mille beautés.

Si fait-il plus beau voir ma Christine loyale,
Se promener en terre en sa coche royale,
Et recevoir de Christ cent mille privautés.

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SI quelqu’un peut nombrer de la mer orgueilleuse
Tout le sable mouvant en ses gouffres hideux,
Et remarquer du doigt ce centre merveilleux,
Sur qui tourne du ciel la plage lumineuse.

Si quelqu’un peut nombrer cette troupe nombreuse
De feux étincelants dans la voûte des cieux,
Si quelqu’un peut du bras sonder l’abîme creux,
Et mesurer le long de la terre poudreuse,

Celui-là peut nombrer de mon époux les jours,
Celui-là peut nombrer de ses ans tout le cours,
Celui-là peut nombrer l’infini de ses grâces :

Celui-là peut sonder l’abîme de son cœur,
Et la force alentir de son bras belliqueur,
Qui découvre aux humains du ciel voûté les traces.

SI quelqu’un peut cueillir en comptant un à un,
Cent mille millions de gouttes de rosée,
Dont l’herbe est au Printemps doucement arrosée,
Quand le serein des cieux tombe sur un chacun :

S’il peut lorsque le ciel changeant son blanc en brun,
Couvre d’un voile noir cette terre exposée
À l’ardeur de la chienne aux hauts cieux embrasée,
Compter le dru coulis de l’orage importun :

Celui-là peut nombrer les beautés immortelles,
Celui-là peut nombrer les vertus éternelles,
Qui décorent Christine et dedans et dehors :

Sa Foi, sa Charité et sa Persévérance,
Ses Justices sans nombre avec sa Patience,
Qui sont ses beaux rubis et plus riches trésors.

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sonne  149 
sonne  150 

NOn, non quand ce serait ce doux-divin Poète
Du fond des reins duquel mon Christ est descendu,
Qui sa harpe animât d’un chant bien entendu,
Du langage du ciel très-fidèle interprète,

Non, non quand ce serait cet excellent Prophète
Qui la mer rouge en deux d’une verge a fendu,
Et son peuple sur bord franc de mort a rendu,
Qui enflât le tortu de sa claire trompette,

Si ne pourraient-ils pas de leur son divin-doux,
Suffisamment sonner de mon loyal époux
Les beautés, les bontés, et vertus immortelles :

Si ne pourraient-ils pas suffisamment sonner
L’or frisé de son chef, ni assez entonner
Les rayons flamboyants de ses deux étincelles.

NOn, non quand ce serait ce brave Tyrien
Qui domptant au burin l’or, l’airain, et le cuivre,
Son renom a gravé dedans le Sacré livre,
Par son ouvrage exquis que l’âge a mis a rien :

Non, non quand ce serait l’honneur Assyrien
Qui fit par l’Univers le nom Tyrien vivre,
Par son ouvrage exquis, qu’il sut tant bien poursuivre,
Que tout autre entrepris cédait au beau du sien,

Qui voulussent graver la vive portraiture,
De celle qui surpasse, et l’art, et la nature,
Et leur renom par là en terre éterniser :

Si ne pourraient-ils pas de ses beautés la moindre,
Que le ciel a daigné dessus sa face peindre,
De leur ciseau meilleur assez bien enciser.

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- Devant les vers 1 et 2, dans la marge  « I. Rois 7. 14. »
- Devant les vers 5 et 6, dans la marge : « Ezech. 27.6. ».

 
 
Sépulture de Christ.
 
 
sonne  151 
sonne  152 

L’Éternel Dieu régnant sur la voûte des cieux,
Ayant abandonné à la mort violente
De son Christ son aîné, l’humanité dolente,
Pour damner en sa chair le péché vicieux :

Et les hommes cruels dans son sang précieux
Ayant trempé leurs bras d’une rage insolente,
La terre de l’horreur encor toute tremblante,
Pour sépulture offrit son sein plus gracieux.

Puis le jour par trois fois ayant cerné la bière,
Et la nuit à son tour de sa noire carrière,
J’ai vu sortir le mort tout vivant du tombeau.

Tout ainsi le prophète appât de la baleine,
Fut vomi franc de mort, plein de force et d’haleine,
Après trois jour passés dessus le bord de l’eau.

L’Éternel Dieu régnant sur la ronde machine,
Qui contemple de là le rond de l’Univers,
Voyant le roux Dragon aux sept chefs d’or couverts,
Qui l’horreur d’un torrent lâchait de sa poitrine,

Cuidant au plus profond enfondrer ma Christine,
Qui redoutait l’effort de ce monstre pervers,
Fit de la terre ouvrir l’abîme en lieux divers,
Et ce fleuve engloutir par sa vertu divine.

Elle qui du Soleil était environnée,
Et des ailes d’un aigle aux côtés empennée,
S’envolant fuit l’effort de ce monstre orgueilleux.

Ainsi après sept mois la sainte Arche flottante
Sur l’effroi du déluge, échappa la tourmente,
Sauvant le bon Noé du gouffre périlleux.

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Résurrection de Christ.
 
 
sonne  153 
sonne  154 

JÀ déjà le Soleil le grand flambard du monde,
Porté royalement sur son char radieux,
Redorait de son jour la terre en mille lieux,
Retirant peu à peu son chef de dessous l’onde,

Quand l’Éternel Soleil Dieu de la terre ronde,
De qui la nuit de mort cillait tous les deux yeux,
Pénétra son obscur de ses rais glorieux,
Pour luire après la mort d’une clarté seconde.

Le Soleil est héraut de l’Eternel Soleil,
Qui découvre aux humains le beau de son vermeil,
Car de son jour il prend sa chaleur et sa flamme.

Ce Soleil éternel dans les cieux fait séjour,
Chassant la noire mort du luisant de son jour,
Qui perce de ses rais jusques au cœur de l’âme.

JÀ déjà le Soleil de sa blonde lumière,
Avait plus d’une fois, cerné tout à l’entour
De cette terre ronde, et la Lune à son tour
Deux fois avait montré sa lueur coutumière,

Quand Christine aperçut la clarté matinière,
De son divin Soleil, qui faisait de son jour
Un Orient luisant, du céleste séjour,
Dans le cœur de son cœur d’une lueur plénière.

Christine en son beau teint est la Lune des cieux,
Qui de Christ son époux son Soleil gracieux
Reçoit en sa rondeur sa clarté toute pleine.

Si de Christ le luisant pouvait être empêché,
D’éclairer ces bas lieux par le roc de péché,
Sa Christine on verrait de clarté vide et vaine.

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sonne  155 
sonne  156 

TU sois le plus beau jour des beaux jours de l’année,
Ton lever ne soit point de nuage brouillé,
Ni ton midi luisant d’obscurité souillé,
Ni ton couchant aussi de couleur basanée,

De vieillesse ne soit ta couleur surannée,
Ni par l’âge le beau de ton beau teint brouillé,
Ton crépuscule avec de rosée mouillé,
Blanchisse de la nuit la perruque tennée :

Que les lis, les œillets, les romarins, les roses
Soient toujours, et toujours dedans ton sein décloses.
Bref que ton jour soit jour éternel et sans nuit :

Puisque tu m’as rendu la lueur coutumière,
Du Soleil sans lequel du monde la lumière
N’est aux hommes mortels qu’un éternel minuit.

TU sois sans nuit, ô nuit, et pure, et nette, et blanche,
Que toujours la clarté de ton cornu croissant,
Aille dedans le ciel en rondeur accroissant,
Tant que ta Lune soit de cornes vide et franche,

Que ton calme serein à pleine main épanche
Avecques son cristal, un Printemps tapissant
D’un beau passe-velours, en pourpre fleurissant,
Ce globe sur lequel tout le ciel voûté penche.

Entre toutes les nuits tu sois la nuit première,
Tu sois jour et non nuit par ta grande lumière,
Bref ta nuit soit sans nuit le midi d’un Soleil,

Puisque tu me fais voir en rondeur toute pleine,
Ma Phèbe qui soûlait d’une roche hautaine,
Cacher une moitié de son beau teint vermeil.

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sonne  157 
sonne  158 

QUand mon époux vivait, une mort éternelle
Emprisonnait mon âme, et ma chair, et mon sang :
Quand il était au ciel, j’étais dedans l’étang
Qui jette soufre ardent, feu et flambe mortelle.

Mon époux étant mort j’ai eu vie immortelle,
Et par son noir enfer le ciel pur net et blanc.
Ô trop sévère Loi ! qui asservis le franc,
Pour la serve affranchir d’une liberté telle :

Tôt après que sa chair pour mon injuste tort,
Eut voûté sa grandeur sous l’Enfer et la mort,
Je vis voûter l’Enfer et la mort sous sa vie.

Son corps ayant rompu le sépulcre cavé,
Malgré les Enfers creux fut au Ciel élevé,
Où sa chair par sa mort maintenant me convie.

QUand je vivais au ciel d’une éternelle vie,
Ma Christine mourait en terre sans secours.
Quand j’eus borné mes ans dans un nombre de jours,
Dedans l’éternité Christine fut ravie,

Pour la mettre en repos j’ai mon âme asservie
Au travail qui meurtrit de mon âge le cours,
Je ne remporte donc du fruit de ses amours,
Qu’ennui, travail, et mort qui au ciel la convie.

Elle a par mes ennuis l’esprit toujours dispos,
Mon travail lui apporte un éternel repos,
Ma mort meurtrit sa mort d’une mort violente.

Mais telle mort m’est vivre, et tel ennui plaisir,
Et tel travail repos, si je puis à loisir
Me mirer dans les yeux de sa face excellente.

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sonne  159 
sonne  160 

JE le confesse, hélas ! qu’elle était Hétienne
Celle qui me conçut, et qui premièrement
Me fit sucer le lait de son avortement,
Au pays qui nourrit la gent Chananéenne.

Je confesse encor plus, que ma mère Païenne
Au jour malencontreux de son accouchement,
Ne coupa mon nombril, et n’eut aucunement
Soin de laver le sang de la souillure mienne.

Ainsi pauvre, ainsi nue, ainsi sale, ainsi orde
Je fus jetée aux champs, et par miséricorde
Nul ne me regarda, fors toi, ô cher Époux !

Tu me dis en passant, ah laide créature !
Tu vivras en ton sang, et couvris ma laidure.
Pourquoi donc maintenant s’embrase ton courroux ?

JE le confesse hélas ! qu’ému de ton offense
Mon œil ne te peut voir comme il fit quelquefois,
Lorsque d’un cœur dévot tu révérais mes lois,
Sans refuser le frein de ma haute puissance.

Maintenant que je vois que par outrecuidance
Tu bouches ton oreille, et rejettes ma voix,
Pour adorer les Dieux d’or, de marbre et de bois,
Penses-tu abuser encor de ma clémence ?

Tu sais que tu étais immonde, sale et nue,
Tu es multipliée, et grande devenue
Comme l’herbe des champs, et ce par mon moyen,

Je te vêtis de lin, de soie et broderie,
Je t’enrichis aussi de toute pierrerie.
Pourquoi donc te plains-tu, ayant tant pris du mien ?

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– le sonnet paraphrase Ezéchiel, 16, 1-6

 

 

En ligne le 09/10/05.
Dernière révision le 08/01/24.